Présentation

Créée en 1987 à l'initiative de quelques cousins, l'Association des Lemieux se propose de rassembler ceux qui portent ce patronyme en France, ainsi que leurs alliés et descendants, afin de favoriser des liens entre ces personnes ou avec d'autres associations du même type.

Catégories Du Blog

/ / /

(article extrait du bulletin "LEMIEUX du Vieux-Pays" n° 34 - 2e semestre 2004) 


Maria-Anastasia et Ursin Lemieux, mes arrière grands parents, n'avaient que des filles.  Juliette, ma grand-mère, était la cinquième. Quand elle naquit, 6 ans après sa sœur Gabrielle, le 15 Avril 1881, ses parents espéraient, sans trop y croire, que, cette fois, ce serait un garçon et qu'il remplacerait celui qui n'avait vécu que quelques mois. Mais non... Avec sa jolie frimousse blonde, ses yeux bleus.. c'était encore une fille ! On n'a pas dû déboucher la bouteille de gros cidre pour fêter l'évènement..

 

Bon an, mal an, la petite Juliette grandit, fit sa communion et fréquenta un peu l'école. Comme ses sœurs étaient, soit mariées, soit « placées », il fut décidé qu'elle resterait à la maison pour aider sa mère. Avec elle, elle apprit à coudre et à tisser.

 

Adolescente, elle fréquentait l'église, par conviction, sans doute, mais aussi parce qu'après les vêpres, elle pouvait rencontrer les jeunes gens de Virville et des environs qui avaient l'habitude de se retrouver, chaque dimanche, sur la place du village. Parmi eux, il y avait Albert.. Albert Mahieu.. son aîné de deux ans. Elle lui plaisait bien et de plus en plus, au point qu'il n'hésitait pas, pour la voir, à venir de Manneville-la-Goupil, à pied ou à vélo. Juliette n'était pas restée indifférente, d'autant qu'à l'occasion de « l'Assembleïe » ils avaient dansé ensemble et s'étaient tenus par la main. Elle en avait rosi d'émotion ! De fil en aiguille, ils s'étaient promis l'un à l'autre, sans encore en parler à leurs parents. C'est que Juliette avait à peine 17 ans et qu'Albert devait faire son service militaire qui ne durait pas moins de 24 mois. En 1898, l'année même où elle perdit son père, il fut envoyé à Strasbourg. Pas la porte à côté pour nos amoureux..! Sans nouvelle de lui, elle l'attendit bien sagement.

 

Un beau jour, alors qu'elle travaillait à la maison, elle vit arriver le père d'Albert, Eugène Mahieu. Il avait mis sa plus belle « blaude ». Sa casquette à la main, il demanda à parler à « madame Lemieux » mais seul à seule. Juliette se retira donc dans la chambre du fond et ne put suivre la conversation.

 

Au bout d'un moment, sa mère l'appela:

-Viens voir un peu, Juliette.. Ecoute, ma fille. Monsieur Mahieu est venu demander ta main.

Elle faillit s'évanouir de bonheur et, ne pensant qu'à Albert, elle bafouilla:

-Oh, oui.. Je suis si heureuse !

-Eh bien, puisque Juliette est d'accord, Monsieur Mahieu, c'est un mariage qui peut se faire !

 

On convint que la noce aurait lieu entre Noël et le Jour de l'An. Pourquoi cette date ? Sans doute parce qu'Albert aurait alors une permission, pensa naïvement la jeune fille. Elle ne dit mot et attendit  le départ du Père Mahieu pour laisser éclater sa joie. Ainsi Albert ne l'avait pas oubliée ! L'épouser, elle y pensait depuis si longtemps !

-Albert ! Mais qui te parle d'Albert ? l'interrompit sa mère. C'est Eugène, Eugène Mahieu, le père, que tu vas épouser .. pas le fils !

 

Juliette fondit en larmes. Elle eut beau supplier sa mère. Rien n'y fit. « Une parole donnée est  une parole donnée. Pas question de revenir dessus ! »

 

Le 27 Décembre 1899, c'est une triste petite mariée que le Père Mahieu conduisit à l'autel. Il avait 21 ans de plus qu'elle !

 

Albert ne revint jamais en Normandie. Sans doute n'avait-il pas supporté que son père se soit remarié avec celle qu'il considérait comme sa fiancée. C'est du moins ce que pensait ma mère quand elle me parlait de ce demi-frère qu'elle n'a jamais connu.

 

Et Juliette ? Elle eut plusieurs enfants. Le dernier, elle l'appela Albert.. !

 

                                     Simonne Couturier,

petite-fille d'Eugène et Juliette Mahieu